Analyse

Foot-analyse: Le dessous du blocage du football haïtien, les évidences et les vrais responsables

Par Ken-rick Fernando Joseph

Depuis tantôt deux ans, le football local connait l’un des moments les plus sombres de son histoire, en raison de l’arrêt définitif de toutes activités sportives suivant un communiqué du ministère de la jeunesse et des sports et de l’action civique (MJSAC), paru en date du 3 juin 2021. Pourquoi le destin du championnat reste inchangé, depuis ? Que font le comité de normalisation et les clubs pour un éventuel retour du championnat national ? Dans cet édito nous allons fixer les responsabilités.

Les démarches entrepris par le comité de normalisation pour un éventuel retour du championnat national le 25 avril 2022

Le 2 février 2022, à l’hôtel Marriott, la fédération haïtienne de football a organisé une rencontre avec les clubs de première division pour un éventuel retour du championnat national. Le 24 février 2022, la FHF soumet une proposition aux clubs permettant ainsi le retour du championnat national. Dans cette proposition, on peut lire : le comité de normalisation élimine la COCHAFOP estimant qu’elle ne peut être à la fois juge et partie, décide de créer une ligue sur trois ans dans le but de rendre la professionnalisation du football effective en Haïti pour réduire graduellement les clubs en D1, D2(de 57 à 36 clubs), D3 et créer une D4, tout en appuyant sur des structures connexes avec la création de la direction des compétitions nationales(DCN), la commission nationale des arbitres (CONA), la commission de discipline(CD), la commission de recours (CR), la commission du statut de Joueur, la commission d’Ethique et de FAIR Play, la commission d’Homologation des terrains, commission de licence de clubs, responsable du TMS, FIFA Connecte.

Outre ses propositions, la FHF exige aux clubs une série de 14 critères en lien au processus de licence club de la CONCACAF, l’une des raisons pour laquelle la CONCACAF a sanctionné les clubs haïtiens.

Voici les 14 critères auxquels les clubs doivent se soumettre : a) une preuve de propriété ou contrat / accord avec le stade, b) présenter un budget pour la saison 2022, c) inscription des joueurs et le staff technique pour la saison 2022, d) nommer un entraineur qualifié, e) nommer un secrétaire général, f) présenter les statuts du club, g) nommer un responsable de médias, h) présenter la déclaration légale signée par une personne autorisée, i) nommer un responsable de sécurité, j) nommer un administrateur pour le club (team Manager) k) avoir une équipe de jeunes entre 10- 20 ans / équipe féminine, l) nommer un responsable de marketing, m) Nommer un responsable de finances, n) présenter la structure de propriété du club et une liste de membres.

La période de satisfaction pour les 10 premiers critères (fév. 2022- juil. 2022) et (août 2022- nov. 2022) pour les 4 derniers. Un calendrier allant du 25 avril à la fin du mois de juin 2022 pour jouer le premier tour du championnat. Entre février et avril 2022, cette période était réservée pour effectuer les transferts, l’inscription des joueurs, l’achat des matrices etc…

Par ailleurs, En date du 19 et 20 février 2022 à Royal Décaméron des clubs de D1, D2, D3 et clubs féminins, se réunissent en association et partent en retraite pour faire une contre-proposition à la FHF.

La contre-proposition des clubs signataires de la déclaration de Décaméron, clubs PRO-DADOU

Ces clubs ont rétorqué en date du 10 mars 2022 avec la fameuse déclaration de Décaméron, dans cette déclaration de 6 pages, nous pouvons lire 6 exigences imposés par les clubs pour un éventuel retour du championnat national, lesquelles sont : 1. Le remboursement des dépenses faites par les clubs de D1 & D2 pour leur préparation la saison passée, une saison qui n’a pas été jouée et ceci sans avertissement préalable ; 2. Le versement aux clubs de la somme allouée par la FIFA pour la COVID-19 ; 3. L’annulation des frais d’inscription, d’affiliation, ainsi que les frais de matchs ; 4. L’encadrement et une garantie de sécurité lors des déplacements des délégations et également le logement pour les déplacements lointains ; 5. Le lancement, d’ici le 18 mars 2022, d’un processus devant aboutir à la révision des statuts de la FHF ; 6. Le lancement du processus électoral, d’ici le 18 mars 2022, de façon à s’assurer d’arriver à temps à l’échéance prévue par la FIFA pour la tenue des élections au sein de la FHF. Ils ont aussi exigé une couverture d’assurance crédible pour les joueurs et les officiels.
A noter que : le Don Bosco, le FICA, l’ASC, le Real du cap et le Violette n’ont pas signé cette déclaration.

Le destin du championnat reste inchangé depuis 4 juin 2021

Outre les problèmes de l’insécurité, les antagonistes ne font absolument rien pour trouver un dénouement à la crise qui prévaut au sein du football local. D’une part, le comité de normalisation entend suivre sa feuille de route en créant un nouveau cadre normatif et structurel pour relancer le football, d’autre part, les clubs signataires de la déclaration de Décaméron imposent tellement de choses au comité de normalisation, on a l’impression qu’ils jouent les troubles faites, une forme de politique à l’haïtienne pour que dans l’opinion l’expression de « SI DADOU TE LA FOOTBALL LA T AP JWE » passe et subséquemment ils cachent leurs irresponsabilités dans la crise que connait le football haïtien depuis la radiation à vie de l’ex patron de la FHF, Dr Yves Jean Bart. Des dirigeants affirment qu’ils ne joueront pas avec ce comité normalisation aux commandes.

En effet, Le comité de normalisation multiplie les démarches pour un éventuel retour du championnat national pour l’année 2023, bien que leur mandat arrive à terme le 30 novembre 2023.

Toutefois, dans une note vocale dont nous disposons, un dirigeant de club de deuxième division (on réserve le droit de ne pas citer son nom), signataire de la fameuse déclaration de Décaméron en date du 10 mars 2022 profère des menaces à l’encontre d’un membre du comité de normalisation et je cite textuellement ses propos:

« Mwen aprann ke Yvon Sévère ki se Yvon kwèdèk di ke nan jou k ap vini yo li pral fè chanpyona nasyonal la jwe, federasyon an pral fe chanpyona nasyonal la jwe, e li men m di l ap fe l jwe san klèb k ap fe wondonmon yo, moun kap tande mesaj sa mèt tou voye l bay Yvon Sévère.
Yvon Sévère ayiti w ap gade an li pa yon ti peyi, ou gen dwa pa janm aprann kisak gen ayiti a men li pa yon ti peyi. Lè gon gwoup moun ki di yo ini yo, yo ini yo ansanm pou di non a yon seri de deriv k ap pase anndan federasyon an ou paka vin fe gwo ponyèt la. Kotew soti Bèljik la w ap retounnen Bèljik nan fredi a, nou pa konn kisa w t ap fè beljik, men w paka vin fe sa w vle ayiti zanmi. Epi foubòl lan se pou fanmi foutbòl lan, se pou dirijan, jwè, jwez, abit fanatik, antrenè. Se jwi w vin jwi de nou. Si w panse ou ka kanpe anfas nou, siw ka fè gwo deklarasyon sa, monchè ou pa respekte moun. Wa fè foutbòl la jwe si w kapab. Mèsi! »

A quoi le football local peut s’attendre ?

Les responsables de la FIFA et ceux de la CONCACAF considèrent la fédération haïtienne de football comme ingouvernable, et envisagent de la sanctionner pour les cinq et les dix prochaines années en commençant par exclure la sélection féminine de la coupe du monde et la sélection masculine de la gold cup.

En effet, selon nos sources, les responsables de gouvernance de la FIFA continuent à observer les travaux du comité de normalisation et les clubs signataires de la déclaration de Décaméron qui souhaitent à tout prix le retour de Dadou à la tête de la FHF. Si ces protagonistes ne parviennent pas à s’assoir autour d’une table pour vider leurs contentieux, leurs intérêts mesquins, le pays risque d’être sanctionnée par la FIFA, d’ailleurs la CONCACAF s’active déjà leurs siennes en excluant les clubs haïtiens aux prochaines compétitions des clubs de la CONCACAF pour la saison 2023/2024 en raison de la non-organisation d’aucune compétition par la ligue haïtienne au cours de l’année 2022, mais surtout parce que les clubs haïtiens refusent de respecter les critères en lien avec la licence des clubs de la CONCACAF.

Fixer les responsabilités par rapport au blocage du football haïtien

Ceux qu’ont exigé les signataires de la déclaration de Décameron au comité de normalisation pendant deux ans pour rejouer le championnat, ils ne l’ont jamais demandé à l’ex patron de la FHF durant 20 ans. Une ancienne gloire du football haïtien, et cadre du Ministère de la jeunesse et des sports et de l’action civique (MJSAC) monte au créneau pour critiquer les dirigeants signataires de ladite déclaration, qui, selon lui, sont extrêmement méchants et ne veulent pas que le football recommence.

Une proposition alléchante du comité de normalisation transmis aux clubs appréciées par la FIFA et la CONCACAF mais dépréciés par les clubs signataires de la déclaration de Décaméron, sur ceux, tout est retourné à la case départ.
Le comité de normalisation reste dans l’attente des dirigeants de clubs qui profèrent des menaces contre les membres du comité, des clubs progressistes comme le violette, le Don Bosco de Pétion Ville, le FICA et le Real du cap sont prêts à travailler à quiconque pour la professionnalisation du sport roi des haïtiens, les clubs signataires de la déclaration de Décaméron quant à eux ne veulent pas travailler avec ce comité et se battent à tout prix pour un retour de Yves Jean Bart à la présidence de la fédération haïtienne de football avec tous les risques qui vont avec. Comme les sanctions de la FIFA et de La CONCACAF.

Les joueurs, les fanatiques, et les observateurs peuvent constater de part eux même, d’où vient le blocage du football haïtien.

Comme disait Tony Saintil, sociologue, « à une série de désorientation structurelle l’homme cherche l’équivalent fonctionnel. » si les protagonistes ne se mettent pas à la hauteur pour trouver un dénouement à la crise qui prévaut dans le football local, la FIFA va s’arranger pour nommer des dirigeants étrangers à la tête de la fédération haïtienne de football, ainsi, ils organiseront le football local. Sans oublier plusieurs clubs risquent de disparaitre définitivement.
Notre football mérite mieux, agissons vite et bien !

Ken-Rick Fernando JOSEPH, Journaliste sportif et observateur critique du football haïtien

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