
Par Mythsouka Jean-Philippe
La défaite (3-0) consédée à Tegucigalpa face au Honduras n’est pas qu’une défaite sportive. C’est une nouvelle humiliation nationale. Sébastien Migné, entraîneur français de la sélection haïtienne, vient de rejoindre la liste des techniciens venus de France qui ont échoué à comprendre et à faire progresser le football haïtien.
Depuis des décennies, la Fédération Haïtienne de Football (FHF) s’entête à faire confiance à ces entraîneurs français au nom de leur “expérience européenne”, mais le résultat est le même : de belles promesses, un discours creux, et des échecs cuisants.
1953 : Paul Baron, le pionnier
En 1953, Haïti retourne aux éliminatoires de la Coupe du monde sous la direction du Français Paul Baron. Le résultat est désastreux : 8-0 et 4-0 contre le Mexique, 3-2 et 3-0 contre les États-Unis. Baron symbolise les débuts d’une série d’aventures franco-haïtiennes basées sur la naïveté administrative et la confiance aveugle envers le “savoir européen”. Un fiasco inaugural, mais un avertissement qui n’a jamais été entendu.
1999 : Bernard Souillez, un passage éphémère mais considérable
Près d’un demi-siècle plus tard, Bernard Souillez prend la tête des Grenadiers. Son passage fut court, mais pas stérile. Lors des barrages de la Gold Cup 1999 à Los Angeles, Haïti fait jeu égal avec le Salvador (1-1), bat Cuba (1-0) et ne s’incline que de justesse face au Canada (2-1).
Sous sa direction, Haïti obtient sa qualification pour la Gold Cup 2000, une première dans l’histoire moderne du football national. Souillez n’a pas révolutionné le jeu, mais il a laissé une base solide et un héritage positif. C’est l’un des rares Français à être parti avec un minimum de dignité sportive.
Marc Collat : la rigueur, la compétence et le respect
Quand Marc Collat arrive en 2014, Haïti retrouve enfin un entraîneur français qui inspire le respect. Sérieux, exigeant et à l’écoute, il bâtit une équipe disciplinée et ambitieuse. Sous sa houlette, Haïti décroche la médaille de bronze à la Coupe Caraïbe 2014, atteint les quarts de finale de la Gold Cup 2015, puis plus tard, sous son second mandat, réalise un parcours historique jusqu’en demi-finale de la Gold Cup 2019.
Collat n’a pas seulement obtenu des résultats : il a redonné de la fierté aux Grenadiers. Il a compris la mentalité haïtienne, la passion du peuple et l’importance du drapeau.
Mais, fidèle à ses mauvaises habitudes, la FHF choisit de tourner la page au lieu de consolider son œuvre. Une erreur stratégique que le football haïtien paie encore aujourd’hui.
Patrice Neveu : la débâcle totale
En 2016, la FHF nomme Patrice Neveu, persuadée d’avoir trouvé un successeur de confiance. Ce fut en réalité une descente aux enfers. Après une victoire anecdotique contre Trinité-et-Tobago, Haïti plonge dans le chaos :
• 7-1 contre le Brésil,
• défaites contre le Panama et le Costa Rica,
• humiliation 5-2 à domicile contre la Guyane française,
• et une élimination piteuse dès les phases de groupe.
Sous Neveu, Haïti ne progresse pas, elle régresse. Le jeu est confus, les choix incohérents, la motivation absente.
Neveu incarne le pire du management étranger : arrogant, détaché, insensible à la réalité du terrain. Il quittera le pays avec un bilan catastrophique, laissant derrière lui une sélection sans âme et des supporters désabusés.
2024–2025 : Sébastien Migné, la désillusion contemporaine
Puis vint Sébastien Migné, promu comme un “projet ambitieux”. En réalité, son arrivée fut le prolongement d’une politique d’improvisation. Ses premiers succès face à Sint Maarten, Porto Rico, Barbade ou Sainte-Lucie ont entretenu une illusion. Mais face aux vraies sélections, la vérité éclate :
• 5-1 contre Curaçao,
• élimination en phase de poule à la Gold Cup,
• et surtout le naufrage 3-0 à Tegucigalpa contre le Honduras, qui ruine presque définitivement le rêve d’une qualification pour le Mondial 2026.
Sous Migné, Haïti joue sans identité, sans fond, sans caractère. Le sélectionneur n’a jamais compris le football haïtien, ni ses codes, ni sa passion.
Son discours froid, ses excuses répétitives et son incapacité à créer une dynamique collective font de lui le symbole parfait du déclin des “coachs importés”.
Pour beaucoup de supporters, Migné a définitivement scellé le divorce entre Haïti et les entraîneurs francophones.
Un constat sans appel
De Paul Baron à Sébastien Migné, Haïti a trop souvent mis sa destinée entre les mains de techniciens français déconnectés du contexte local, venus ici pour se relancer plutôt que pour construire. À l’exception de Bernard Souillez et surtout Marc Collat, tous ont échoué à donner un véritable sens au mot “projet”. Leur héritage est lourd : éliminations humiliantes, vestiaires brisés, confiance populaire anéantie.
L’heure d’un choix national
Haïti n’a plus besoin d’un entraîneur français pour exister. Elle a besoin d’une vision haïtienne, d’une philosophie enracinée dans sa culture et sa réalité. Assez de ces contrats importés, de ces promesses théoriques et de ces expériences coûteuses. Le football haïtien doit désormais s’appuyer sur des cadres formés, compétents et patriotes, capables de construire un projet durable avec les moyens du pays.
Car après soixante-dix ans de leçons françaises sans résultats, une chose est claire : Haïti ne doit plus être un laboratoire. Haïti doit redevenir une nation de football.



