
Depuis leur première sortie au Parc Cincinnatus Leconte, les Grenadiers ont souvent transcendé la simple dimension sportive pour devenir un symbole d’unité nationale, un rempart contre les instabilités politiques et un souffle d’espoir pour un peuple souvent meurtri. À travers les décennies, la sélection a entrepris des campagnes mémorables, certaines glorieuses, d’autres héroïques malgré des issues douloureuses. Voici les neuf plus grandes d’entre elles, celles qui ont le plus façonné la légende du football haïtien.
9 — La Coupe des Nations de la CONCACAF 1977 : sacre raté à Mexico
En 1977, Haïti aborde une nouvelle édition de la Coupe des Nations de la CONCACAF, organisée au Mexique et également qualificative pour la Coupe du monde 1978. Les Grenadiers sont alors une équipe hybride, un savant mélange entre les héros de 1974 et leurs successeurs, dirigés par l’Allemand Sepp Piontek. Emmanuel Sanon, alors en Belgique, Arsène Auguste évoluant aux États-Unis, Tom Pouce, Zé Nono, Leintz Domingue, Pompon Vorbe et Frantz Mathieu forment un groupe plein de talent et d’expérience.
Le tournoi commence difficilement avec une lourde défaite 4-1 contre le Mexique. Mais les Grenadiers se relancent immédiatement : victoire 2-1 contre le Guatemala, 1-0 contre le Salvador, nul 1-1 contre le Canada, et succès 1-0 contre le Suriname. Avec cette superbe remontée, Haïti termine vice-championne. Cependant, un seul billet mondialiste étant alloué à la région, le Mexique, vainqueur, s’empare de la qualification, laissant Haïti au pied du rêve.
8 — Les éliminatoires de la Coupe du monde 1970 : le rêve brisé à Kingston
Après avoir manqué les éliminatoires de 1958, 1962 et 1966, Haïti revient sur la scène mondiale avec ambition. L’absence du Mexique, déjà qualifié en tant que pays hôte, ouvre une fenêtre d’espoir. Sous la direction du technicien Antoine Tassy, les Grenadiers réalisent une campagne remarquable. Ils éliminent Trinidad & Tobago après une victoire 4-0 à domicile malgré une défaite 4-2 au retour, puis écartent le Guatemala grâce à un succès 2-0 à Port-au-Prince et un nul 1-1 à l’extérieur. Les États-Unis sont à leur tour battus 2-0 puis 1-0.
Le duo offensif emblématique Zocil / Ti Guy — Joseph Obas et Guy Saint-Vil — tire la sélection vers le haut. En septembre 1969, Haïti n’est plus qu’à deux matchs d’une qualification historique pour son premier Mondial. Le Salvador s’impose 2-1 à Port-au-Prince, mais les Grenadiers renversent la situation en s’imposant 3-0 à San Salvador. Un match d’appui est alors programmé à Kingston. Le rêve se brise cependant en prolongation, sur un but salvadorien qui élimine Haïti au seuil de la gloire.
7 — La Gold Cup 2019 : l’épopée des épopées récentes
Après son absence en 2017, Haïti revient avec ambition à la Gold Cup 2019 sous la conduite de Marc Collat. L’équipe bénéficie d’un groupe solide composé de Duckens Nazon, Frantzdy Pierrot, Hervé Bazile qui dispute ici sa première grande compétition avec Haïti, Wilde-Donald Guerrier, Johny Placide et Mechack Jérôme (malheureusement blessé dès le premier match).
Les Grenadiers réalisent une phase de groupes parfaite : victoire 2-1 contre les Bermudes, 2-0 contre le Nicaragua et un succès historique 2-1 contre le Costa Rica, une première depuis leur première participation à la Gold Cup en 2000. En quarts de finale, Haïti signe son match le plus mémorable du siècle contre le Canada, renversant une défaite 0-2 pour l’emporter 3-2.
En demi-finale, ils résistent héroïquement face au Mexique avant de s’incliner en prolongation sur un penalty très contesté. Cette campagne reste l’une des plus vibrantes du football haïtien moderne, symbole d’une génération talentueuse et ambitieuse.
6 — La Coupe des Nations de la CONCACAF 1971 : la campagne invaincue
Deux ans après la désillusion de 1969, Haïti réalise une nouvelle performance remarquable lors de la Coupe des Nations de 1971, disputée chez les trinidadiens. Les Grenadiers démarrent le tournoi par deux nuls 0-0, d’abord contre le Mexique, puis contre le Costa Rica, deux résultats historiques. Ils remportent ensuite une magnifique victoire 6-1 contre le pays hôte, puis un succès 3-1 contre le Honduras avant de terminer sur un nul contre Cuba.
Invaincue, la sélection termine vice-championne. Le milieu du Violette AC est élu meilleur joueur du tournoi, et Haïti devient la première nation caribéenne à atteindre un tel niveau dans la compétition.
5 — La Coupe Caraïbe des Nations 2007 : le retour d’un trophée après 28 ans
Après avoir manqué l’édition 2005, Haïti revient déterminée en 2007 avec à sa tête le Cubain Luis Armelio Garcia. Qualifiés via les barrages, les Grenadiers affrontent le pays hôte, la Martinique et la Barbade. Ils battent la Martinique 1-0, puis la Barbade 2-0 avant de s’incliner 3-1 contre Trinidad & Tobago.
Deuxième de leur groupe, ils affrontent la Guadeloupe en demi-finale. Grâce à Eliphène Cadet, Brunel Fucien et Fritzson Jean-Baptiste, Haïti s’impose 3-1. La finale les oppose au pays hôte, que les Grenadiers battent 2-1 grâce à Alexandre Boucicaut et Brunel Fucien.
Haïti remporte ainsi son premier trophée officiel depuis 1979, et son unique sacre du XXIe siècle jusqu’à présent.
4 — Les éliminatoires de la Coupe du monde 2026 : le retour sur la scène mondiale
La campagne 2024–2025 restera gravée dans l’histoire. Sous la houlette de Sébastien Migné, Haïti se qualifie pour la Coupe du monde 2026 dans des conditions exceptionnelles. Le premier tour est maîtrisé avec des victoires contre Sainte-Lucie, Barbade et Aruba avant une lourde défaite contre Curaçao.
Au second tour, Haïti intègre un groupe relevé avec le Honduras, le Costa Rica et le Nicaragua. L’équipe bénéficie du renfort de binationaux européens évoluant dans les meilleurs championnats : Jean-Ricner Bellegarde, Josué Casimir, Hannes Delcroix. Les résultats sont à la hauteur : nul 0-0 contre le Honduras, match épique 3-3 contre le Costa Rica avec un triplé magistral de Duckens Nazon, victoire 3-0 contre le Nicaragua, défaite 3-0 contre le Honduras, victoire 1-0 contre le Costa Rica.
Le 18 novembre 2025, Haïti scelle sa qualification en battant le Nicaragua 2-0, sans avoir joué un seul match dans le pays à cause des sanctions imposées par la FIFA. Le pays, en pleine crise, retrouve le sourire grâce à ses héros. Une qualification historique après 52 ans d’absence.
3 — La Coupe Caraïbe 1979 : sept victoires, un titre et un record
En 1979, Haïti dispute sa deuxième Coupe Caraïbe après sa troisième place en 1978. Sous les ordres de René Vertus, ancien gardien de la sélection, les Grenadiers réalisent une campagne parfaite dès les tours préliminaires : victoire 1-0 puis 2-1 contre Antigua-et-Barbuda, puis un double succès éclatant contre la Jamaïque, 3-0 à Port-au-Prince et 4-0 à Kingston.
En phase finale à Paramaribo, Haïti poursuit sa série : victoire 1-0 contre Trinidad grâce à Jean-Joseph Mathelier, 3-1 contre Saint-Vincent avec des buts de Gérald Romulus alias Djab Baka, Carmin Velimat et Fritz Bobo, puis succès 1-0 contre le Suriname en finale, grâce à Velimat.
René Vertus signe ainsi 7 victoires consécutives, un record qui ne sera battu qu’en 2024 par Sébastien Migné.
2 — La Coupe de la CCCF 1957 : le premier titre officiel
Quelques mois après avoir remporté la Coupe Paul Eugène Magloire, la sélection haïtienne participe à sa première phase finale de compétition officielle : la Coupe de la Confédération centraméricaine et caribéenne de football (CCCF). L’édition 1957 se déroule au Curaçao, avec Haïti, Cuba, Honduras et Panama. Le Costa Rica, tenant du titre, ne fait pas le déplacement pour raisons financières, et le Guatemala déclare forfait après l’assassinat de son président Carlos Castillo Armas.
Avec Lucien Barosy comme sélectionneur, successeur du Grec Dan Georgiadis, Haïti réalise une campagne parfaite : victoire 3-1 contre le pays hôte, 2-1 contre le Honduras, 3-1 contre le Panama et 6-1 contre Cuba. Phénol Charles inscrit un triplé lors du dernier match et termine meilleur buteur.
Quatre Grenadiers figurent dans l’équipe type du tournoi : Phénol Charles, Antoine Tassy, Gérard Elie et Pierre Roc Yaboute. À leur retour au pays, en pleine crise politique après la chute de Magloire, les joueurs sont reçus en héros au Palais National par le conseil exécutif militaire.
1 — La Coupe des Nations de la CONCACAF 1973 : le sacre suprême
Le sommet absolu du football haïtien reste l’année 1973. Pour la première fois, la phase finale de la Coupe des Nations de la CONCACAF est organisée en Haïti, et le vainqueur obtient directement son billet pour la Coupe du monde 1974.
Dans un stade Sylvio Cator en ébullition, les Grenadiers d’Antoine Tassy remportent leurs quatre premiers matchs : 3-0 contre les Antilles néerlandaises, 2-1 contre Trinidad, 1-0 contre le Honduras et 2-1 contre le Guatemala. Ils ne s’inclinent que lors du dernier match 1-0 contre le Mexique, sans conséquence au classement.
Haïti est sacrée championne et se qualifie pour le premier mondial de son histoire. Cette génération, emmenée par Emmanuel Sanon, Philippe Vorbe, Pierre Bayonne, les frères Léandre, les frères Saint-Vil, Coca et Tom Pouce, écrit l’un des chapitres les plus glorieux de l’histoire sportive nationale.
Un héritage à poursuivre
À travers ces neuf campagnes, les Grenadiers ont prouvé qu’ils étaient bien plus qu’une équipe de football : un miroir de la nation, une source de résilience et un symbole d’unité. Alors que 2026 approche et que de nouvelles générations émergent, Haïti espère revivre d’autres épopées capables d’égaler — voire de surpasser — ces moments inoubliables qui ont marqué la mémoire collective.



