
Par Jackenson Louis
Pas de stades, pas de billetteries numériques, pas de droits TV, pas de sponsors et parfois même, pas de ballons. Oui, dans certains cas, les joueurs doivent acheter leurs propres crampons. Mais ici, en Haïti, le football est un rêve, une illusion d’élite avec un budget de club amateur. L’Association Sportive Capoise est l’exemple vivant. Un monument.Une fierté. Mais aujourd’hui, elle peine à collecter 120 000 dollars. Une somme qu’un joueur de D3 espagnole considère comme une quelconque prime à la signature.
Le problème est simple, mais honteux : le foot haïtien n’a jamais été pensé comme un projet économique. Il est resté prisonnier d’un romantisme rural, d’un folklore de gloire passée (ah, 1974, quelle époque…), et d’un désintérêt complet des institutions.
Et pourtant… Haïti est membre fondatrice de la FIFA. Une nation qui a signé l’acte de naissance du football mondial ! Aujourd’hui, on signerait surtout un acte de décès.
Le football haïtien est un patient en coma profond, mais on continue à lui injecter du « Fair Play » comme s’il allait se lever et courir.
S’il y avait une instance de contrôle, que dirait-elle à un club qui n’a pas de compte bancaire ? Qui vend des tickets à la main, sans comptabilité ? Dont les dirigeants sont élus par des magouilles de couloir et financés par « Dieu seul sait » ?
Non, soyons honnêtes. Si on appliquait les critères européens au football haïtien, on devrait rayer la D1 et recommencer au niveau des écoles primaires.
Repartir à zéro. Bâtir, pierre par pierre, une véritable industrie du sport, pas une kermesse dominicale.
Peut-on exister dans un système sans structure ? Peut-on jouer sans terrain ? Courir sans but ?
C’est là le drame : le football haïtien est une métaphore parfaite du pays lui-même. De grandes idées. De grandes émotions. Une histoire noble. Mais sans cadre ni colonnes vertébrales.
Le football n’est plus un jeu. C’est une industrie. Un spectacle. Une machine à cash. Un levier de soft power.
Pendant que nous jouons encore à cache-cache avec des règlements inexistants, le reste du monde a déjà vendu les billets, signé les contrats, construit les stades, et compté les millions.
Haïti n’a pas besoin d’un Messi, mais d’un ministre du sport avec une vision. Pas d’un miracle, mais d’un plan décennal. Pas d’un trophée, mais d’une réforme structurelle….
Sinon, dans quelques années, le vieux coq capois ne chantera plus.
Il sera mangé dans un bouillon du dimanche, pendant que les enfants rêveront de jouer… pour la République Dominicaine.



