
Par Mythsouka Jean-Philippe
Le Vodou haïtien, bien plus qu’une simple pratique religieuse, est une richesse culturelle profondément enracinée. Il représente un système de croyances et de rituels qui fusionne habilement des éléments africains, autochtones et catholiques, créant ainsi une spiritualité unique et vivante. Le Vodou joue un rôle central dans l’identité culturelle et spirituelle d’Haïti, témoignant de la résilience et de la créativité du peuple haïtien au fil des siècles.
Quand le Vodou Entre sur le Terrain de Football
En Haïti, le Vodou transcende le domaine religieux pour s’immiscer dans divers aspects de la vie quotidienne. Cela inclut même les compétitions de football, où certains acteurs, qu’il s’agisse de joueurs, de fans ou de dirigeants, ont recours à des rituels vodou pour tenter d’assurer la victoire de leur équipe. Un épisode historique mémorable de ce phénomène a eu lieu lors des éliminatoires de la Coupe du Monde de 1970. L’équipe nationale haïtienne, les Grenadiers, s’est retrouvée impliquée dans des rituels vodou lors du match décisif qui aurait pu les qualifier pour leur première Coupe du Monde.
Philippe Vorbe : Témoignage d’une Invasion Mystique
En septembre 2011, lors d’une entrevue radio sur Signal FM, Philippe Vorbe, ancien capitaine de la sélection haïtienne et ancien joueur du Violette Athlétique Club, a partagé un récit captivant. Il a raconté comment un bataillon de hougans venus d’Haïti avec, semble-t-il, l’autorisation de hautes autorités, a perturbé l’équipe de football. Ils ont occupé l’hôtel de l’équipe, allumé des bougies, et pratiqué des rituels mystiques, ce qui a créé un malaise parmi les joueurs. Vorbe estime que ces pratiques mystiques imposées dans un contexte sportif ont eu des conséquences néfastes. Il explique que certains joueurs se sont même vu remettre leur tenue de match après avoir traversé des rangées de bougies allumées et reçu des bénédictions. Ils ont même placé des bouts de papier dans les poches des joueurs censés garantir la victoire. Vorbe indique qu’il a découvert ces papiers plus tard en Haïti, lorsque sa mère a lavé son équipement. Il critique les dirigeants complices ou lâches qui ont imposé ces pratiques aux joueurs et souligne que cela a affecté l’esprit d’attaque de l’équipe. Les joueurs ont manifesté leur rejet de ces pratiques, mais l’incident des rorolis a encore empiré la situation. Les hougans ont distribué des grappes de roroli que les joueurs devaient disséminer sur le terrain pour distraire les esprits protecteurs du Salvador. Certains joueurs, dont Francillon, Legros et Vorbe, ont refusé de participer à ces rituels mystiques et se sont demandé quel en serait l’aboutissement.
La Tragédie de 1969 : Quand les Rorolis n’ont Pas Suffi
Le moment décisif est survenu le 8 octobre 1969 à Kingston, lorsqu’Haïti a affronté le Salvador. L’enjeu était la qualification pour la Coupe du Monde de 1970. Malgré les rituels, les Grenadiers ont fini par s’incliner 1-0 en prolongation. Le but salvadorien est survenu à la 118ème minute de jeu, suite à un corner botté par Acevedo. Ramon Martinez s’est élevé plus haut que Joseph Obas, surnommé Zocil, pour dévier la balle de la tête dans les filets. C’était une soirée amère pour les rouges et noirs, qui avaient raté de peu leur première qualification en Coupe du Monde.
Cet épisode historique rappelle la profondeur de la culture haïtienne et la façon dont le Vodou, enraciné dans la société, peut influencer même les événements sportifs les plus importants. L’histoire des Grenadiers de 1970 demeure un témoignage fascinant de la manière dont le Vodou et le football se sont entrelacés dans le tissu de la nation haïtienne, façonnant son identité culturelle unique.



