
Par Mythsouka Jean-Philippe
Lorsqu’on parle de Fafà Picault, on évoque un attaquant rapide, combatif et technique, aujourd’hui sous les couleurs de l’Inter Miami en Major League Soccer. Mais derrière le joueur international haïtien se cache une histoire méconnue, un héritage remarquable : celui d’un petit-fils de Grenadier. Car Fafà n’est pas le premier de sa famille à représenter Haïti sur un terrain de football. Son grand-père maternel, Max Antoine, fut lui aussi un international haïtien dans les années 1940, à une époque où le football caribéen commençait tout juste à se structurer.
Née le 1er décembre 1957, Lucerne Antoine, la mère de Fafà, est la fille de Max Antoine. Ce dernier a porté les couleurs de la sélection haïtienne durant les années 30 et 40. Il évoluait aux côtés de figures légendaires du football national telles que Joe Gaetjens, Antoine Tassy et bien d’autres. Loin des projecteurs d’aujourd’hui, Max Antoine a marqué son époque dans un contexte difficile, où les compétitions internationales étaient rares, les moyens limités et l’exposition quasi inexistante.
Pendant cette période, Haïti n’a pas eu de présence régulière sur la scène mondiale, mais le pays a néanmoins participé à quelques événements importants pour l’époque. Parmi ceux-ci figurent le Tournoi des 4 Nations organisé à Curaçao, réunissant Aruba, Haïti, Curaçao et le Venezuela, ainsi que la fameuse Coupe des Caraïbes de 1948. Des rencontres amicales contre d’autres sélections caribéennes venaient compléter ce modeste calendrier, mais chaque match représentait un moment d’engagement et de fierté nationale. C’est dans ce cadre que Max Antoine a porté le maillot bleu et rouge, contribuant à écrire les premières pages de l’histoire du football haïtien.
Cette passion du ballon rond, Max Antoine l’a transmise à sa fille, puis à son petit-fils. Fafà a grandi dans une famille où le football était plus qu’un sport : c’était une culture. Son père, Leslie Picault, né le 7 août 1957, a lui aussi été footballeur. Il a évolué dans la Major Indoor Soccer League aux États-Unis, une compétition dynamique qui a marqué l’histoire du football nord-américain dans les années 1980, en particulier dans les arènes couvertes.
Ce double héritage, à la fois haïtien et américain, a façonné le parcours de Fafà Picault. Il a porté les maillots de plusieurs clubs professionnels, notamment en Allemagne avec le FC St. Pauli, puis en MLS avec le Philadelphia Union, Nashville SC et aujourd’hui l’Inter Miami. Mais au-delà de sa trajectoire en club, ce qui rend son histoire unique, c’est sa filiation directe avec un Grenadier de l’époque fondatrice.
Fafà n’est pas simplement un joueur qui défend les couleurs d’Haïti aujourd’hui. Il est le descendant d’un pionnier, d’un homme qui a défendu les mêmes couleurs à une époque où cela relevait presque de l’exploit. Entre Max Antoine et Fafà Picault, il y a une continuité silencieuse mais puissante, une mémoire familiale que le football ravive à chaque match, à chaque but, à chaque sélection.
Dans les gestes de Fafà sur le terrain, dans son engagement sous le maillot national, résonne une histoire plus grande que lui. Celle d’un héritage transmis de génération en génération, d’un maillot porté avec fierté par son grand-père hier, et par lui aujourd’hui. Fafà n’est pas seulement un joueur de la sélection haïtienne : il est le fruit vivant d’un passé glorieux, le lien entre deux époques du football haïtien, un Grenadier d’hier à travers un Grenadier d’aujourd’hui.


