
Par Me LaGrandeur
La récente qualification de la sélection nationale U17 et les prestations encourageantes de l’équipe senior dans les éliminatoires de la Coupe du monde 2026 font ressurgir l’importance du football pour les Haïtiens, considéré depuis toujours comme le sport numéro 1 du pays. Pourtant, force est de constater que les infrastructures sportives nationales ne sont pas en adéquation avec cette passion collective.

L’une des manières de permettre à cette jeunesse d’exercer ce sport avec un minimum de dignité passe par leur formation scolaire. Ce constat nous amène à examiner de près la gestion du Fonds National pour l’Éducation (FNE). Financé par une taxe de 1,5 dollar sur les transferts d’argent de la diaspora haïtienne, le FNE a pour mission de renforcer le système éducatif haïtien. Toutefois, un constat préoccupant émerge : de nombreuses écoles construites avec les fonds du FNE manquent d’infrastructures sportives essentielles. Cette situation soulève des questions légitimes sur les priorités de nos dirigeants et la gestion de ce fonds vital.
Un financement significatif, des résultats incomplets
La taxe de 1,5 dollar sur les transferts d’argent représente une source de financement considérable pour l’éducation en Haïti, un pays où le système scolaire a longtemps souffert de négligence et d’abandon. Les fonds recueillis sont censés servir à construire et rénover des écoles, améliorer les conditions d’apprentissage et garantir un accès équitable à l’éducation pour tous les enfants haïtiens. Chaque dollar envoyé par nos compatriotes de la diaspora porte en lui l’espoir d’un avenir meilleur pour notre jeunesse. Ces sacrifices financiers de nos familles à l’étranger méritent d’être honorés par des projets complets et durables, qui prennent en compte tous les aspects du développement de l’enfant.
L’importance cruciale des infrastructures sportives
Les infrastructures sportives ne constituent pas un luxe superflu dans le contexte éducatif haïtien. Elles sont essentielles au développement holistique des enfants. Le sport favorise non seulement la santé physique, mais joue également un rôle crucial dans le développement social et émotionnel des jeunes. Il enseigne des valeurs fondamentales telles que le travail d’équipe, la discipline, la persévérance et la résilience. En négligeant ces infrastructures, le FNE compromet l’éducation complète des enfants haïtiens.
Les données scientifiques démontrent que le sport est essentiel pour maintenir une population en bonne santé et contribue significativement à la réussite scolaire des jeunes.Les activités sportives font partie intégrante du curriculum du Ministère de l’Éducation Nationale. Il apparaît donc paradoxal que ce même ministère ordonne au FNE de construire des écoles dépourvues d’infrastructures sportives. Le FNE possède les moyens nécessaires pour construire des écoles modernes accompagnées de ces infrastructures, particulièrement des terrains de football. Il est incompréhensible qu’on continue à construire des terrains de basketball dans certaines écoles alors que nous affirmons que le football est notre sport national. Imaginons un instant combien de futures Melchie Dumornay nous aurions pu découvrir avec ces infrastructures de base !
Négligence ou indifférence administrative ? La question fondamentale se pose avec acuité : pourquoi le FNE construit-il des écoles sans infrastructures sportives ? S’agit-il d’ignorance concernant les bienfaits du sport sur le développement des enfants, ou de négligence dans la planification et l’allocation des ressources ? La directrice du FNE pourra-t-elle éternellement se retrancher derrière le fait que c’est le Ministère de l’Éducation Nationale qui désigne les écoles à construire ? Cette dysfonction révèle une coordination défaillante entre les institutions responsables de l’éducation nationale. Comment expliquer qu’un ministère intègre l’éducation physique dans ses programmes tout en négligeant les infrastructures nécessaires à sa mise en œuvre effective ?
Un appel urgent à l’action
Il est impératif que le Ministre de l’Éducation Nationale et la directrice du FNE se concertent pour proposer un cadre différent pour la construction des écoles, quitte à passer par un changement des normes administratives. Ils doivent prendre conscience de l’importance vitale d’intégrer des infrastructures sportives dans tous les projets scolaires. Cela nécessite une réévaluation immédiate des priorités et un engagement ferme à utiliser les fonds du FNE de manière plus efficace et équitable.
Une mobilisation de la communauté, des parents et des acteurs de la société civile dans les localités où doivent être construites ces infrastructures scolaires est également essentielle pour faire entendre cette voix et exiger des changements concrets.
L’opportunité d’une transformation historique
Le FNE détient une occasion unique de transformer véritablement l’éducation en Haïti en intégrant systématiquement des infrastructures sportives dans ses projets scolaires. En investissant dans le bien-être physique et mental des enfants, le FNE peut contribuer à former une génération plus forte, plus équilibrée et plus résiliente. La diaspora haïtienne, qui finance une partie significative de ce fonds à travers ses sacrifices quotidiens, mérite de voir des résultats concrets de ses contributions. Nos compatriotes à l’étranger offrent à leurs propres enfants des écoles dotées d’infrastructures sportives complètes – les enfants d’Haïti ne méritent-ils pas les mêmes opportunités de développement ?
Il est temps d’agir avec détermination pour un avenir meilleur et plus équitable pour tous les enfants haïtiens. L’heure n’est plus aux excuses : nos enfants grandissent, le temps presse, et chaque jour qui passe sans action concrète est un jour de perdu dans la formation de nos futurs champions et leaders.



