Par Mythsouka Jean-Philippe
En 1974, Haïti a participé pour la première fois à la Coupe du Monde, marquant le plus grand moment de gloire de son histoire footballistique. Beaucoup attribuent cette réussite à Antoine Tassy, souvent considéré comme le sélectionneur de l’équipe qui a remporté la Coupe des Nations de la CONCACAF. Cependant, c’est une erreur, car Tassy n’était pas l’entraîneur durant cette compétition.
Le véritable architecte de cette victoire était Ettore Trevisan (1929-2020), un technicien italien et ancien joueur de football de niveau honorable, connu pour être le premier Italien engagé par une équipe étrangère après la guerre. Il a été sollicité en 1972 pour diriger l’équipe nationale haïtienne de football alors qu’il travaillait à Bastia, en Corse. Curieux de cette expérience inédite, il a accepté, malgré une connaissance limitée du pays. À son arrivée, il a été chaleureusement accueilli et s’est adapté sans difficulté à un environnement magnifique, malgré des problèmes sociaux.
Trevisan a rapidement mis en place ses méthodes d’entraînement, notamment en se concentrant sur la défense et en apprenant à ses joueurs à mieux frapper de la tête. Grâce à son leadership, l’équipe a connu des succès notables, se qualifiant pour la Coupe du Monde en éliminant des équipes comme le Mexique. Les joueurs, motivés par des opportunités sociales et économiques, ont adhéré à sa vision.
Cependant, des complications politiques sont apparues. Bien que le régime de « Baby Doc » Duvalier ait d’abord célébré les succès de l’équipe, les responsables ont décidé de gérer l’expédition mondiale sans lui. Trevisan a été informé que son ami et secrétaire de la fédération avait démissionné, et qu’un entraîneur haïtien prendrait sa place en Europe. Face à cette situation, il a été contraint de se retirer, ressentant un profond regret pour son équipe qu’il avait bâtie avec soin et passion.
La préparation pour la Coupe du Monde fut désastreuse. L’équipe, logée dans des endroits froids et humides en Belgique et en France, subit un stress énorme. Lors d’une visite à Vichy, des joueurs se plaignaient de leur situation : privés de liberté et de distractions, ils étaient frustrés. Cela a conduit à des performances catastrophiques, comme la défaite 7-0 contre la Pologne lors du deuxième match. Si certains joueurs ont réussi à trouver de bonnes opportunités en Europe ou aux États-Unis, le rêve s’est rapidement évanoui, étouffé par le désordre social et une gestion chaotique. « Baby Doc » a profité de cette illusion pour maintenir sa dictature fragile, tandis qu’un ami de la fédération, guéri de ses problèmes de vue, me confirmait la situation.
En conclusion, bien que beaucoup attribuent le succès de l’équipe haïtienne à Antoine Tassy, il est essentiel de reconnaître qu’Ettore Trevisan en était le véritable architecte. Son expertise et sa vision ont permis à l’équipe de réaliser des performances historiques, notamment en se qualifiant pour la Coupe du Monde de 1974. Loin d’être un simple personnage de soutien, Trevisan a façonné l’équipe avec passion et détermination, et son rôle dans cette aventure doit être reconnu pour la place unique qu’il occupe dans l’histoire du football haïtien.
