
Par James Bake
Le football haïtien est un patrimoine national. Plus qu’un simple sport, il représente une fierté collective, un outil d’unité et d’identité, un langage universel qui transcende les frontières sociales et culturelles. Pourtant, force est de constater que cette richesse nationale traverse depuis trop longtemps une zone de turbulence où les mauvaises décisions administratives et techniques freinent son plein épanouissement.
Depuis quelques années, la gestion des équipes nationales, en particulier au niveau senior, soulève des interrogations. Les choix d’entraîneurs, les orientations techniques et la gestion des talents semblent guidés moins par une vision claire de développement que par des considérations opportunistes et, parfois, déconnectées des réalités du football haïtien.
_Une gouvernance technique sous influence_
De nombreux observateurs dénoncent aujourd’hui la présence de conseillers techniques dont les rôles restent flou et dont l’impact sur le football haïtien est difficile à mesurer. Les fédérations doivent collaborer avec des experts compétents et crédibles, capables d’apporter des solutions adaptées au contexte local. Mais lorsque les recommandations de certains conseillers entraînent l’exclusion de joueurs clés, la perte de compétitions régionales ou une démotivation des acteurs locaux, on est en droit de s’interroger sur leur véritable valeur ajoutée.
Le cas de joueurs emblématiques comme Derrick Etienne Jr illustre bien ce problème. Cadre incontestable de la sélection, artisan de l’épopée mémorable de 2019, il se retrouve aujourd’hui mis à l’écart pour des raisons qui semblent davantage relever de conflits personnels et de stratégies de pouvoir que de critères sportifs. Ce type de décision fragilise non seulement l’équipe, mais aussi le lien de confiance entre la diaspora haïtienne et la sélection nationale.
_Des entraîneurs à la mission éphémère_
Un autre constat préoccupant est l’arrivée répétée d’entraîneurs étrangers de second plan, qui voient dans Haïti davantage une opportunité de carrière qu’un projet à long terme. Ces entraîneurs, souvent sans réelle connaissance du football haïtien ni des dynamiques locales, peinent à instaurer un climat de confiance et à construire un projet durable. La sélection devient alors un simple tremplin pour embellir un curriculum vitae, au détriment de la stabilité et de la progression du football national.
Nous avons les cas tangibles comme Patrice Neuveu, Pellegrino et Sébastien Migné pour ne citer qu’eux cela. Cette logique court-termiste prive les joueurs d’une direction claire, freine la mise en place d’une identité de jeu et dilue les efforts de développement. Pendant ce temps, des talents haïtiens grandis en terre étrangère attendent des encadreurs capables de valoriser leur potentiel et de bâtir un collectif compétitif face aux puissances de la Concacaf.
_Une structure à reconstruire_
Au-delà des questions techniques, le football haïtien souffre d’un problème structurel profond. Une Fédération doit être le moteur du développement, avec une direction visionnaire, un secrétariat général compétent et une gouvernance transparente. Trop souvent, la Fédération est perçue comme une simple caisse d’opportunités, où les fonds destinés au développement profitent plus aux individus qu’au football lui-même.
Cette situation conduit à une dépendance chronique, à une absence de projets structurants et à un sentiment croissant de frustration parmi les joueurs, entraîneurs, supporters et partenaires. Depuis plus de 5 ans plus de projet sportif pour les jeunes talents locaux et qui pis est aucune formation et suivi de formation pour les entraîneurs de jeunes catégories locaux, ils sont tous restés à la merci du Bondieu bon .
_Un appel au comité de normalisation_
Le comité de normalisation, en place pour redonner une direction saine au football haïtien, porte une responsabilité immense. Il doit rompre avec les habitudes qui ont miné la Fédération depuis trop longtemps. Le pays n’a pas besoin de « conseillers » lointains et déconnectés, mais de bâtisseurs enracinés dans la réalité haïtienne. Il n’a pas besoin d’entraîneurs éphémères sans vision, mais de leaders capables de fédérer, de dialoguer avec les joueurs et de mettre en valeur les talents haïtiens.
L’heure est venue de faire confiance aux forces vives d’Haïti et de sa diaspora. Les Etienne, les Picault, les Duverne et tant d’autres qui portent les couleurs haïtiennes avec cœur et fierté, méritent d’être traités avec respect et équité.
_Rompre avec la colonisation sportive_
Le football haïtien ne doit pas être un champ d’expérimentation pour des intérêts étrangers ou individuels. Il doit être le reflet de la dignité et de la résilience du peuple haïtien. Mettre fin à l’amateurisme, à l’opportunisme et aux influences néfastes est une étape essentielle pour rendre aux Grenadiers leur flamme et leur compétitivité.
Haïti n’a pas besoin d’être « gérée » par des mains extérieures, mais d’être inspirée par ses propres enfants, avec le soutien d’experts authentiquement dévoués à son progrès. Le moment est venu d’écrire une nouvelle page, où le football redeviendra ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : une source de fierté et d’unité nationale.



