Analyse

FOOT – ANALYSE : Le coaching haïtien, entre improvisation et illusion

Par Mythsouka Jean-Philippe

 

C’est l’un des cancers du football haïtien, un mal profond que l’on refuse trop souvent de diagnostiquer sérieusement : le déficit criant de compétence et de formation chez les entraîneurs locaux. Tant que cette réalité sera ignorée, le football haïtien continuera de tourner en rond, enfermé dans sa propre médiocrité.

En Haïti, tout le monde s’improvise coach

Le premier problème, c’est cette illusion collective : en Haïti, tout le monde croit pouvoir devenir entraîneur. On confond expérience de joueur et science du jeu. Les anciens footballeurs se reconvertissent presque par réflexe, comme si diriger une équipe relevait du simple bon sens. Aucun projet de carrière, aucune vision, juste une reconversion par défaut. On oublie que coacher, c’est une discipline, un métier exigeant, où la connaissance tactique, la gestion psychologique et la préparation stratégique comptent bien plus que les souvenirs d’un passé sur le terrain.

Un microcosme sans ambition

Le deuxième drame, c’est que le niveau reste enfermé dans le championnat national. Les entraîneurs haïtiens s’y installent, s’y complaisent, et finissent par s’y perdre. Aucun d’eux n’a su s’imposer durablement dans une ligue étrangère. Le manque d’audace et d’ouverture est flagrant. La routine locale devient la norme. Résultat : on entretient un cercle vicieux où la médiocrité alimente la médiocrité.

Des formations symboliques, presque décoratives

Les séminaires de la FHF et autres stages “techniques” sont censés former la nouvelle génération de techniciens. En réalité, ils produisent des entraîneurs de papier. Quelques jours de formation, un certificat en main, et voilà un “coach diplômé”. Mais dans les faits, rien ne change. Pas d’étude approfondie du jeu, pas de suivi, pas d’exigence. On distribue des diplômes, mais on ne construit aucune compétence durable. Et le pire : cette superficialité est devenue normale.

La pauvreté tactique, un scandale permanent

Sur le terrain, le constat est accablant. Très peu d’équipes haïtiennes présentent une identité de jeu claire. Les schémas sont stéréotypés, les choix tactiques prévisibles, les plans B inexistants. Le “coaching” se résume souvent à défendre le nul à l’extérieur, à “gérer le temps” avec des remplacements absurdes, ou à improviser des consignes au bord du terrain. Il n’y a ni lecture du match, ni travail d’analyse, ni construction sur le long terme.
Pendant que le football moderne s’appuie sur la science, la data, et l’innovation, Haïti reste figée dans un football artisanal.

Des conséquences désastreuses

Cette faillite du coaching pèse lourd sur tout le système. Les clubs stagnent, les jeunes talents régressent, les résultats en compétitions régionales sont humiliants. Les mêmes erreurs se répètent d’année en année, sans remise en question. Et quand les clubs échouent, ce sont toujours les joueurs qu’on pointe du doigt, jamais les entraîneurs.

Changer de mentalité ou sombrer définitivement

Le football haïtien n’aura pas d’avenir tant qu’il refusera d’affronter cette vérité : sans une élite d’entraîneurs formés, rigoureux et ouverts sur le monde, rien ne changera. Il faut une révolution du coaching, pas des séminaires symboliques. Une réforme structurelle, pas des diplômes décoratifs. Le football moderne se gagne d’abord dans la tête et trop souvent, c’est là que le football haïtien perd ses matchs.

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