Par Mytshouka Jean-philippe
À l’approche de l’ouverture du championnat national haïtien, un nom légendaire refait surface dans la mémoire des amants du ballon rond : l’Aigle Rouge AC des Gonaïves. Ce club mythique de la Cité de l’Indépendance, aujourd’hui inactif, a pourtant marqué à jamais l’histoire du football haïtien en remportant la toute première édition du Championnat National de D1 en 1989.
Cette année-là, le football haïtien vivait un tournant décisif. La Coupe Pradel, compétition longtemps réservée aux clubs de la capitale, cédait sa place à un véritable championnat national organisé sous forme d’invitation. Douze équipes seulement avaient pris part à cette première édition historique, mais elle allait accoucher d’une légende : celle de l’Aigle Rouge AC, club de la « terre salée » Towo Begle, comme on l’appelle affectueusement aux Gonaïves.
Une épopée gravée dans la mémoire
Mené par Charles Victor Adler Brutus, plus connu sous le surnom de Kokoye , ancien joueur de l’Aigle Rouge, du Racing Club Haïtien et de la sélection des Gonaïves, le club gonaïvien allait écrire la plus belle page de son histoire. Sous la houlette de ce technicien passionné, disparu le 22 février 2025, les « rouges » ont renversé tous les pronostics pour atteindre la grande finale face au Tempête FC de Saint-Marc, autre grand rival de l’Artibonite.
La finale, restée mythique, s’était soldée par une courte victoire (1-0) grâce à un but de Jean Marie Dorcélus, dit Safari. Autour de lui, une génération dorée : Edva Limage (gardien), Miguel Saint-Jean, Roberto Montas, Fritz Pierre, autant de noms qui ont fait vibrer les Gonaïves à la fin des années 1980.
En face, le Tempête FC, surnommé le Kok Kalite, alignait un effectif tout aussi prestigieux : Paulson Valcin (Cubillas), Jude Désinord, Luc Fabien, Bayard Vincent, Ronald Génescar, Wener Mortel, Ary Picault (gardien)… Mais ce jour-là, rien ne pouvait arrêter la fougue et la détermination de l’Aigle Rouge.
Le symbole d’une époque révolue
Ce triomphe de 1989 ne fut pas seulement une victoire sportive. Il symbolisait l’émergence du football de province, longtemps resté dans l’ombre de Port-au-Prince. Pour la première fois, les Gonaïviens imposaient leur fierté et leur talent sur la scène nationale. L’Aigle Rouge AC devenait alors le tout premier champion d’Haïti, gravant son nom à jamais dans les archives du football national.
De la gloire à l’oubli
Trente-six ans plus tard, l’Aigle Rouge AC n’existe plus sur la scène compétitive. Le club, autrefois pilier du football gonaïvien, a disparu progressivement, victime du manque de moyens, de structures et d’organisations locales.
Mais son héritage demeure vivant dans la mémoire des anciens, dans les récits des supporters, et surtout dans la légende d’une ville qui a porté haut les couleurs de l’Artibonite.
À l’aube d’une nouvelle saison du championnat national, alors que de nouveaux clubs rêvent de gloire, le souvenir de l’Aigle Rouge des Gonaïves résonne encore comme un rappel puissant : Le premier cri de victoire du football national est venu de Gonaïves. Et son écho, plus de trois décennies plus tard, continue de flotter au-dessus du Parc Vincent.
